samedi 30 novembre 2024

 Homélie

Ordination diaconale de Thomas Charuel

Basilique saint Quentin

Dimanche 17 novembre 2024

Depuis longtemps déjà, tu as donné à ta vie la forme du service, à commencer par tes engagements scouts, puis en monde étudiant et dans l’humanitaire. Il est heureux de voir comment tu te réalises dans l’acte même de servir. En t’appelant au diaconat, ce n’est plus seulement un attrait naturel ; tu es consacré à la diaconie de l’Eglise. Dans cette joie de servir, je me réjouis que tu ais discerné en toi un appel particulier à servir les pauvres, comme tu me l’as exprimé : Je veux me mettre « au service de Dieu et du prochain en ayant un grand dévouement envers tous, tout particulièrement les pauvres ». Dans notre diocèse particulièrement, l’attention aux plus pauvres est un signe de crédibilité de l’Evangile.

Relevons cinq dimensions du mystère du diaconat. Elles seront évoquées dans les questions que je poserai à Thomas dans quelques instants :

1. L’Eglise. D’abord, c’est par son baptême que le diacre est membre de l’Eglise, à l’égal de tout baptisé. Par la consécration diaconale, il devient un signe pour les autres : signe que toute l’Eglise est porteuse du don du service, le don de la diaconie. « Voulez-vous être consacré à la diaconie de l’Eglise … ? ». L’Eglise est tout entière habitée de la grâce de la diaconie. Mais par leur consécration, quelques-uns le signifient ; particulièrement dans l’acte liturgique.

2. Le témoignage. Le diacre est un transmetteur. Il est dépositaire de l’Evangile et de la tradition de l’Eglise. Il transmet de deux manières : par la parole puisqu’il est investi pour prêcher, et par sa cohérence de vie, puisqu’il vit au milieu des autres. D’où la question :

« Voulez-vous … garder le mystère de la foi dans une conscience pure, et proclamer cette foi par la parole et par vos actes ? ». Une conscience pure ! Te voilà convoqué à agir en conscience ! Assumer tes actes et tes paroles devant Dieu et devant les hommes. Quel défi, dans une génération de l’éphémère où tout va vite, une génération où l’émotionnel est omniprésent : oser assumer le rendez-vous de la conscience dans nos paroles et nos actes ! Seigneur, tu nous fais trembler et tu nous transcendes.

3. La prière. La prière est au cœur de la vie du ministre ordonné. Prière du bréviaire, c’est la mission qui est confiée au diacre. Prière silencieuse et solitaire, car le cœur à cœur amoureux, c’est le secret de la joie. Prière en relation - en humanité - jamais déconnectée.

« Voulez-vous garder et développer un esprit de prière … en union avec le peuple de Dieu, intercédant pour lui et pour le monde entier ? » Non seulement être fidèle à la prière, mais développer et faire grandir l’amour.

4. L’Eucharistie. Le diacre est ministre de l’Eucharistie. Les gestes qu’il accomplit à l’autel sont appelés à transformer sa vie. A le sanctifier. « Voulez-vous conformer toute votre vie à l’exemple du Christ dont vous prendrez sur l’autel le corps et le sang pour le distribuer aux fidèles ? » C’est un lâcher-prise. Un consentement à se laisser transformer par le Seigneur.

5. L’évêque. Le diacre n’est pas à son compte. Il travaille pour un autre : le Seigneur et son Eglise. Cela est signifié par un lien. La relation à l’évêque. Une communion, même à l’heure des incompréhensions. L’obéissance – non, le diacre n’est pas à son compte – il reçoit sa mission d’un autre. C’est l’enjeu de la collaboration avec les prêtres et les laïcs en mission, non pas choisis, mais reçus dans la foi.

Cher Thomas, aujourd’hui tu offres ton célibat au Seigneur, un célibat d’amour pour Dieu et pour tes frères. Au nom de l’Eglise, je t’en remercie. C’est un style de vie, souvent incompris, parfois source de tension personnelle, porteur d’une signification et d’un message prophétiques.

Rarement dans l’histoire il y a eu autant de célibataires qu’aujourd’hui. Etrangement, notre époque s’en prend à ceux qui le choisissent librement. Le célibat des prêtres est régulièrement contesté.

Mais c’est Jésus qui ouvre la voie. Ne cessons pas de nous étonner – et de nous émerveiller ! – quand le Dieu d’Israël envoie son Fils sur la terre, celui-ci ne se marie pas à la manière des hommes. Il fait alliance avec l’humanité, et scelle cette union par le don de sa vie au vendredi Saint ; écartant les bras, l’Agneau immolé livre sa vie à l’humanité son épouse : « Heureux les invités aux noces de l’Agneau ! ».

Deux dimensions du célibat ont été exprimée au début de cette célébration :

1. Ce n’est pas un célibat-frustration, c’est un célibat-donation : « voulez-vous signifier le don de vous-même au Seigneur ? ». Il s’agit d’entrer dans la dynamique du don. Du don de soi. La dynamique de l’oblation. L’erreur, ce serait de conclure aussitôt : « Ah bon, donc si on ne choisit pas le célibat consacré, on ne se donne pas au Seigneur ? ». Tout l’Evangile nous montre qu’il y a de multiples manières de se donner au Seigneur. A commencer par la conjugalité dans le mariage. Ainsi que toutes les manières de se mettre au service de Dieu et du prochain.

2. Ce célibat n’est pas une fatalité. Ni une sorte de renoncement ascétique. Il a une finalité : vivre une anticipation du Royaume des cieux. Vous avez entendu la question que j’ai posée à Thomas au commencement de la célébration : « Thomas, vous êtes prêt à vous engager au célibat. Voulez-vous, pour signifier le don de vous-même au Christ Seigneur, garder toujours cet engagement à cause du Royaume des cieux, en vous mettant au service de Dieu et de votre prochain ? » Au premier siècle de l’Eglise, certainement les chrétiens avaient-ils une perception plus spontanée de cette réalité, car leur quotidien était tendu vers le Retour du Christ : « le Fils de l’homme est proche ». Viens Seigneur Jésus, Maranatha !

Il est assez difficile de prendre la parole au sujet du célibat, après le dévoilement des abus sexuels de certains prêtres et religieux qui avaient reçu l’appel à un célibat consacré.

En quoi le célibat pour le Royaume est-il une bonne nouvelle aujourd’hui ? Quatre Bonnes nouvelles :

1. Première bonne nouvelle : la sexualité est le lieu de l’exercice de la liberté. Puisque quelques-uns reçoivent l’appel au célibat consacré, il devient possible pour tous de choisir librement son état de vie. La conjugalité n’est pas une fatalité, elle devient un choix.

2. Seconde bonne nouvelle : un célibat vécu en partenariat avec le Seigneur devient une histoire d’alliance. Je ne suis pas seul. Nous sommes deux. / N’idéalisons pas pour autant. Un célibat en partenariat avec le Seigneur n’est pas un long fleuve tranquille. La vie affective du célibataire – et son épanouissement – demande autant de soin que celle du conjoint marié. Les périodes d’épanouissement et les périodes de tension se succèdent.

3. Troisième bonne nouvelle : célibat ne veut pas dire stérilité ; il est possible de vivre un célibat fécond. Et c’est un signe donné à tous ceux qui vivent une situation de célibat qu’ils n’ont pas choisie. Merci frères et sœurs, qui vivez généreusement un célibat que vous n’avez pas choisi.

4. Quatrième bonne nouvelle, elle est pour les jeunes : avant de s’engager dans une relation affective qui ouvre au mariage, il vaut la peine de choisir le célibat d’attente. Oui, vivre avant le mariage un célibat d’attente, cela a du sens.

En accompagnant l’un de nous dans l’engagement au célibat pour le Royaume, j’aimerais exprimer notre reconnaissance pour celles et ceux qui vivent en ce moment une autre forme de célibat. - Par choix intime. Ou parce que les évènements de la vie en ont décidé ainsi. - Je pense aussi aux veufs et aux personnes séparées. Quelque chose est à vivre avec le Seigneur. « J’ai cherché Celui que mon cœur aime », affirme la bien-aimée du Cantique des Cantiques. Notre âme a soif de sa Parole.

Particulièrement durant les heures sombres, le Seigneur promet : « Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas ». Quelle forte promesse le Seigneur nous fait-il ici ! Le Seigneur a investi notre frère Thomas de son Appel. Appel à être apôtre au cœur du Peuple de l’Aisne. Il l’a doté de dons apostoliques, dons relationnels, don de la collaboration avec les autres, et feu de l’amour du Christ en partage. Il lui a aussi fait le don de la modestie. C’est précieux la modestie à notre époque. La modestie, c’est un don bien répandu dans le Peuple de l’Aisne. C’est une magnifique vertu évangélique. Cher Thomas, veille à la cultiver en toi et la faire grandir. Nous prions Dieu de te la conserver et de la faire croitre. Que longtemps encore le peuple de l’Aisne rayonne de cette vertu si désirable qu’est la modestie ! Jésus lui-même nous en fait la confidence : « venez à moi vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, car je suis doux et humble de cœur ».

Que la modestie du Christ soit notre lumière !

+ Renauld de Dinechin

Evêque de Soissons, Laon et saint Quentin

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