jeudi 26 décembre 2019

Témoignage : travailler le jour de Noël

Témoignage d’une infirmière libérale

    Il est 5 heures 30 du matin, un matin de Noël. Le réveil sonne. Ouf ! Il fait froid ! La journée promet d’être rude !
    J’ai l’impression de m’être couchée deux heures avant ! Les enfants étaient tous les quatre arrivés la veille des quatre coins de France. Nous avons réveillonné jusqu’à tard après la messe de minuit (20h30, pour mon plus grand bonheur ! Merci les prêtres…) Deux des enfants sont encore récalcitrants envers la foi, et ont préparé le repas de fête. La table, différente chaque année, est magnifique, sortie d’un magazine de déco ! Le repas, démarré avec un bénédicité de remerciements, est bruyant avec des éclats de rire, récits d’anecdotes…rattraper le temps perdu. Quel bonheur, ces enfants !
   C'est plus facile pour les enfants, maintenant qu’ils sont grands, quand je travaille ces jours de fête Avant, ils avaient les cadeaux la veille. Ainsi, le matin de Noël ils s’occupaient à les découvrir, toute impatience calmée. A mon goût, cela avait moins cette note de fête. Mon absence passait presque inaperçue : c’était presque une journée de travail comme un dimanche ordinaire. Avec l’âge, par contre, se retrouver entre fratrie est une fête en soi. C’est plus dur pour moi : les fous-rire, anecdotes, moment de complicité me manquent. J’ai pourtant beaucoup de chance, l’organisation de mes tournées me permet de rentrer, bien que tardivement, déjeuner en famille avant de repartir dans l’après-midi.
    C’est quand même inouï que Dieu m’ait choisie pour être cette visiteuse qui vient casser cette isolation, cette solitude de mes patients. Mes intrusions quotidiennes, voire bi/tri quotidiens laissent s’installer une simplicité puis une intimité entre nous. Comment ne pas vivre cela sans un regard d’amour, de respect emprunt parfois d’impatience ? Chacun est unique. Je ramène les anecdotes, pics de joies, de douleurs, pépites… chez moi. Ma famille participe ainsi au côté solennel et précieux de cette journée. Cela a beau être une journée de travail, je me dois de la rendre « fête » ;

    Six heures, j’arrive chez mon premier patient.  « Coucou, c’est l’infirmière !» Il ne dort pas. Forcément, il a dû s’endormir vers 19 heures. Je lui passe un verre d’eau et lui donne ses médicaments que l’on prépare une fois par semaine. « Joyeux Noël ! Regarde, un petit sapin pour toi. Tu sais au moins quel jour on est ? » C’est la seule déco de Noël de son logement. Je jette discrètement le sapin de l’année dernière qui trônait jusqu’alors. Une touche de gaieté renouvelée pour cette fête qui a tant de valeur à mes yeux. Il n’est pas d’un milieu croyant. J’avais tellement envie d’offrir une mini-crèche. Le politiquement correct oblige ! Je suis certainement trop précautionneuse avec ma foi.

Il n’aura pas d’autre visite aujourd’hui, les béguinages n’organisent pas d’activités les week-end et jours de fête. Je sais qu’il souffre de cet isolement, mais le repas organisé par la paroisse serait hors de portée. Il est handicapé mental, renversé par un vélo lors de ses treize ans. Il demeure plutôt reclus. « A ce soir. »

    Les rues sont vides, ça fait du bien. Les décorations, pas encore allumées à cette heure très matinale, me réjouissent toujours autant. Au fond, je reste très « fleur bleue ! » Je roule certainement plus vite qu’il ne faudrait…mais sur mes trois heures de trajet par jour, je peux réduire largement cette moyenne. Je préfère passer autant que possible du temps avec chaque patient et le reste auprès de ma famille, plutôt que d’être sur la route.

Je profite de ce démarrage de journée pour écouter l’évangile sur Radio Notre-Dame. Un dimanche sur deux, je n’arrive jamais à l’heure pour la messe de onze heures. Il m’est précieux de garder contact avec le reste de la communauté des chrétiens. Deux minutes de trajet jusqu’à ma prochaine patiente, diabétique celle-ci. Je la réveille, mais au moins j’aurais enfin sa glycémie à jeun ! Elle va faire des excès, mais je pourrai les compenser avec les doses d’insuline, histoire de ne pas la laisser en hyperglycémie (taux de sucre trop élevé dans le sang et donc toxique pour le corps.) Elle est en foyer logement. Au moins, elle aura des petites visites de ses voisines ; celles qui ne verront pas leurs propres familles. Elle aura aussi son petit sapin. Ses auxiliaires de vie lui auront jeté le dernier après Noël l’année dernière. Demain ses fils viendront avec un petit cadeau. Ouf ! au moins une qui sera un peu moins isolée. Et la société de portage des repas aura soigné un peu plus ce jour de fête.

    Et ainsi de suite…                                  G. infirmière à Saint Quentin

Aucun commentaire: